LE PRIVÉ
Du 05/07/2017 au 25/07/2017
D’après le roman de Raymond Chandler (Éditions Gallimard)
Le privé s’attaque avec autant d’irrévérence que d’intelligence à l’univers et aux archétypes du film noir, propulsés dans un monde qui bafoue son héritage culturel et moral pour ne plus s’intéresser qu’à l’argent. Altman a la grande idée de prendre le fameux détective de Raymond Chandler, Philip Marlowe, de le transposer dans l’Amérique contemporaine et de le faire interpréter par un acteur comique inattendu dans le rôle, Elliott Gould.
Le privé (libre adaptation du roman The long goodbye, titre original du film) transforme Marlowe en un personnage anachronique de détective dans la Californie des années 70. Altman en profite pour dire (déjà) tout le mal qu’il pense de l’Amérique moderne. La bonne santé, le luxe, le soleil servent d’écran à la violence, la corruption et la trahison. Le cinéaste, aidé par un Elliott Gould très en verve, se régale à filmer cet excentrique qui ne se sépare jamais de sa cravate et de ses costumes usés et circule en voiture rétro. C’est un solitaire, un idéaliste qui se cache derrière ses grimaces et ses vannes cyniques.
Comme souvent, le cinéaste réalise deux films en un. Il accorde autant d’importance à l’intrigue qu’au contexte et à l’arrière-plan sociologique. Le film grouille de personnages secondaires hauts en couleur, de répliques hilarantes et de gestes inquiétants. D’une mélancolie infinie, le chef-d’œuvre d’Altman dresse le double portrait d’un homme en porte-à-faux avec son époque et d’une civilisation aseptisée, endormie par les drogues douces et la soudaine richesse. Génialement filmé, avec une utilisation inventive de l’écran large, une photographie magnifique et un accompagnement musical inoubliable, Le privé est à ranger parmi les meilleurs films américains des années 70.
(D’après Olivier Père • Les Inrocks)