BLANKA

Elle a onze ans, le visage d’un ange mais le regard noir et dur de celle qui, pour tout foyer, ne connaît que la rue, et pour toute famille la cohorte des petits mendigots qui se disputent les piécettes que des plus fortunés leur abandonnent chichement au passage – quand ils ne se servent pas prestement dans les poches des touristes. Son visage s’éclaire parfois d’un irrésistible sourire quand elle se prend à rêver d’école, de famille, d’amour maternel – songes interrompus par un retour à la réalité parfois brutal. Mais Blanka est bien décidée à ne pas se laisser voler ses rêves. Quitte à s’embarquer dans un voyage improbable avec Peter, un vieux guitariste de rue aveugle, vers une autre ville, un autre destin, se frotter au monde crasseux des adultes au risque de s’y brûler les ailes. Dans un monde où tout se vole, tout s’achète, y compris les enfants dans des orphelinats, pourquoi ne pourrait-elle pas, elle, avec le produit de ses rapines, s’acheter une famille, un peu d’amour maternel ?

On retrouve dans le contexte philippin de Blanka l’acuité et la tendresse dont sait faire preuve Ken Loach quand il filme les enfants. Cette histoire tient également beaucoup à l’authenticité de ses personnages, notamment Peter, que le réalisateur avait rencontré trois ans auparavant et qu’il eut beaucoup de mal à retrouver. Et que dire de l’incroyable prestation de Cydel Gabutero, la gamine prodige qui incarne Blanka ? De tous les plans, qu’elle rie, pleure, chante, elle illumine littéralement le film, et nous entraîne irrésistiblement dans son sillage, à la conquête de ses rêves.