YURT

Ahmet, 14 ans, est dévasté lorsque sa famille l’envoie dans un internat religieux – un yurt – afin d’y apprendre les valeurs musulmanes. Son père, récemment converti, y voit l’occasion de se racheter, en engageant son fils sur un chemin de droiture et de pureté. Pour Ahmet, le monde se scinde alors en deux : laïcité le jour, au cours duquel il fréquente une école nationaliste, et islam le soir, quand il retrouve son dortoir et les longues heures d’études coraniques. Grâce à son amitié avec Hakan – un pensionnaire qui a le sens de la rue et est rompu au fonctionnement du yurt – Ahmet va oser défier les règles.    

Portrait d'un adolescent pris en tenailles entre environnement laïc et éclosion religieuse, ces « quatre cents coups turcs » puisent largement dans les souvenirs d’enfance du cinéaste. Cela lui permet d'illustrer la profonde division de la société turque des années 1990 : le pouvoir islamiste s'est alors invité dans la vie politique et des oppositions brutales ont secoué le pays. Alternant couleurs éclatantes et noir et blanc intense, le film cartographie autant le tiraillement de l’adolescent que son esprit de résistance à l’embrigadement, dans des contextes souvent coupés du monde, où l’on est soit pieux, soit infidèle. De ce premier long-métrage de Nehir Tuna, sélectionné et récompensé dans de nombreux festivals internationaux, nous retenons particulièrement l’énergie impressionnante du jeune Doda Karakas, incarnation bouillonnante et lucide d’un jeune homme pris en pleine bataille idéologique, contraint très tôt à chercher sa place et trouver sa propre indépendance.