UN HOMME INTÈGRE
Du 06/12/2017 au 16/01/2018
PRIX DU JURY, UN CERTAIN REGARD • FESTIVAL DE CANNES 2017
« Dans Un homme intègre, mon intention était de montrer comment le système happe les personnes. Reza ne veut pas recourir à la violence, mais il va y être forcé. Car respecter la loi ne l’aide pas : aucune règle, aucune éthique ne tient. À chaque fois qu’il tente de résoudre les dilemmes moraux auxquels il est confronté, il se heurte à une porte fermée ». Mohammad Rasoulof
Seul contre un système, ce pourrait être le sous-titre de ce film tant Reza, le personnage principal, est à la fois courageux et presque suicidaire de s’acharner ainsi à refuser l’ordre établi, aussi injuste soit-il. Il vit avec sa femme et son fils loin de Téhéran, dans la campagne iranienne. Dans leur petite propriété, il élève des poissons rouges. Son activité est fragile et ses dettes s’accumulent... Pour couronner le tout, la « compagnie » qui régit la distribution de l’eau dans cette bourgade – et dont le pouvoir est aussi énorme qu’invisible – voudrait bien racheter son lopin de terre et, à défaut d’obtenir l’accord de Reza, pourrait bien mettre en œuvre des moyens peu recommandables pour y parvenir... Quels que soient les problèmes qu’il rencontre, leur résolution passe inexorablement par la suggestion d’un pot-de-vin... Reza s’acharne pourtant à chercher des moyens légaux de rivaliser. Ce grain de sable dans la mécanique trop bien huilée des puissants est insupportable : il devient nécessaire de le faire plier pour préserver l’hégémonie de ce système. Sauf que ce personnage, par nature, ne peut pas se soumettre à ce type de méthode et une fois le bras de fer engagé, impossible pour lui de faire machine arrière...
Au fur et à mesure que cette histoire évolue, on tente d’établir des liens et de comprendre quelles sont les dynamiques de pouvoir dans cette région rurale de l’Iran, dans laquelle tout le monde semble se connaître. Un homme intègre est un film complexe mais passionnant, rebondissant en permanence sur de nouveaux ressorts dramatiques. Souvent palpitant, il confère à cette histoire la dimension d’un polar social sans concession. D’autant que plus le récit avance, plus l’ampleur des mécanismes de corruption se dévoile : c’est un réseau gigantesque qui apparaît en sous-marin, le problème résidant en partie dans le fait que la population est majoritairement résignée. Chacun est obligé de s’acquitter de pots-de-vins et donc d’en faire payer également. C’est un mode de fonctionnement du pays tout entier auquel Reza refuse de se soumettre.
Le film pose également une question qui dépasse largement les frontières de l’Iran, à savoir le fossé qui sépare parfois les véritables décisionnaires et leurs représentants, ceux dont le rôle est visible dans la pratique du pouvoir. Mohammad Rasoulof signe ici un grand film politique et social, qui résonne longtemps après la projection et qui fait inévitablement écho à la triste actualité de pays pas si lointains... Un véritable coup de cœur !
Un homme intègre ne plaît visiblement pas au gouvernement iranien : Mohammad Rasoulof s’est vu retirer son passeport le 16 septembre dernier à son retour en Iran après une tournée internationale où il accompagnait les projections de son film. Il est accusé d’atteinte à la sécurité de l’état et de propagande contre le régime iranien. Il risque six ans de prison.
Une pétition est disponible sur change.org pour manifester votre soutien au cinéaste et demander que lui soit rendue sa liberté de circuler, de retrouver sa famille et de créer : chn.ge/2xyJ2gX