RAGTIME
Du 10/04/2019 au 30/04/2019
Ragtime est l’un des meilleurs films de Milos Forman, bien qu’injustement méconnu, voire oublié. Somptueuse fresque, inventive, bourrée d’énergie, d’une richesse visuelle enthousiasmante, c’est aussi le portrait lucide et sans complaisance d’une Amérique engluée dans ses contradictions, minée par ses conflits entre richesse insolente et pauvreté extrême, entre innocence et corruption, entre démocratie idéaliste et racisme crasse. Ce film bouscule le rêve américain à travers un kaléidoscope de protagonistes et un enchevêtrement d’histoires tragi-comiques.
Forman s’attache à Coalhouse Walker Jr, un pianiste noir humilié par un acte raciste mais déterminé à faire respecter ses droits. Ce pianiste de ragtime évolue au milieu d’autres personnages merveilleusement campés : une famille bourgeoise blanche qui accueille la mère de son enfant ou un émigrant juif qui va devenir cinéaste ; mais il côtoie aussi des personnalités emblématiques des bouleversements sociaux que connaît l’Amérique du début du vingtième siècle. Apparaissent en filigrane : le président Roosevelt, le magicien Houdini ou Henry Ford ; et plus en évidence : Booker T. Washington (le premier noir invité à la Maison-Blanche), la starlette Evelyn Nesbit, courtisée par l’architecte Stanford White et mariée au milliardaire Harry Thaw (un scandale qui inspira aussi La fille sur la balançoire de Richard Fleischer).
« Tout l’art de Forman est là et c’est du grand art. Forman a toujours été un portraitiste, un portraitiste de cinéma, c’est-à-dire de mouvement, mais de mouvement moléculaire, imperceptible. Réussir à glisser de l’imperceptible dans une superproduction, réussir à faire glisser tout l’appareil de la superproduction vers des figures qui tremblent légèrement, qui échappent au typage, aux grands ensembles contradictoires et détruisent imperceptiblement ceux-ci, c’est le plus grand art. » Pascal Bonitzer