PHANTOM THREAD
Du 14/02/2018 au 26/04/2018
Dans le Londres glamour des années 50, le célèbre couturier Reynold Woodcock, au cœur de la mode britannique, habille la famille royale, les stars de cinéma, les héritières et les mondaines. Autant de femmes qui défilent dans sa vie, à l'image des couturières qui chaque matin montent en file indienne les étages de sa grande maison. Se considérant lui-même comme un célibataire endurci, Reynold cherche auprès des femmes inspiration et compagnie. Centré sur son génie, il méprise tout ce qui n'est pas lié à son travail. Ses relations ne durent jamais et comme il n'a ni le temps ni l'énergie pour d'éventuelles disputes, sa sœur Cyril, qui le connaît par cœur et sait lorsqu'il est las, s'occupe de faire disparaître ces dames de son quotidien. Jusqu’au jour où sa vision de l'amour est bouleversée. Au détour d'un regard, d'un sourire, il rencontre Alma, une jeune femme pourtant merveilleusement ordinaire. Elle a un visage doux, des courbes parfaites, un mélange de docilité et de fort caractère, presque vénéneuse. Alma devient immédiatement sa muse en lui offrant chaque parcelle de son corps, et l'apprivoise petit à petit jusqu'à devenir son amante. Un amour malin parfois malsain, plein de défiance et d'arrogance né entre eux. Un jeu de domination et de pouvoir où les rôles s'inversent sans cesse et s'entremêlent...
Phantom thread est l'histoire d'une passion aux codes différents. Par une mise en scène au premier abord classique mais justement d'une maîtrise incroyable, toutes les ruptures peuvent s’immiscer dans cette routine silencieuse et bien ancrée. Tourné en 35mm et visuellement magnifique, aussi minutieux qu'une prise de mesure au millimètre près, aussi fin qu'une aiguille glissée dans la dentelle d'une robe, le film révèle ce que l'on perçoit et attend de l'autre, les efforts consentis par amour mais aussi la place que l'on laisse à quelqu'un dans sa vie pour le désordre (et pour le pire). En deux mots : le lâcher prise, aussi bien pour Reynold que pour sa sœur, enfermée dans un contrôle permanent, éternelle assistante et mère de substitution de cet homme capricieux qui ne lui laisse pas le temps d'avoir sa propre vie.
Attaché à travailler avec la même équipe, Paul Thomas Anderson retrouve Daniel Day-Lewis, toujours impressionnant mais ici particulièrement – et exécrablement – bon ! S'il dit vrai en affirmant faire ses adieux au cinéma après ce rôle, mesdames, messieurs, il est temps de s'en mettre plein les mirettes ! À la même échelle, on découvre la sublime et encore trop méconnue Vicky Krieps, qui ne devrait d'ailleurs pas tarder à en apprivoiser plus d'un-e, et la classe toute en retenue de Lesley Manville, souvent remarquée dans les films de Mike Leigh. Enfin, pour orchestrer magistralement cette folie, le réalisateur fait de nouveau appel à l'hypnotique compositeur Jonny Greenwood – membre du groupe Radiohead, déjà aux commandes musicales de ses trois précédents opus et des films de Lynn Ramsay – pour nous propulser dans cette atmosphère si particulière.
Avis donc aux amateurs – ou non – de Paul Thomas Anderson ! Parce qu'il est sans doute moins déjanté qu'Inherent vice, moins trouble que The master, moins déchaîné que There will be blood... mais toujours aussi percutant, fascinant, euphorique et exigeant, Phantom thread s'annonce d'ores et déjà comme l'un des plus beaux films de cette année !