PACIFICTION, TOURMENT SUR LES ÎLES

SÉLECTION OFFICIELLE, EN COMPÉTITION • FESTIVAL DE CANNES 2022

PRIX LOUIS DELLUC 2022

De Roller est le haut-commissaire de la République en Polynésie française, le plus grand représentant de l’État Français. Distingué et raffiné, il passe de fêtes traditionnelles à des réunions diverses, drapé de sa majesté naturelle dans son costume blanc crème. Avec une aisance totale, il y joue de son entregent et de ses manières politiques. Fin connaisseur de la culture locale, il affectionne les habitants, flâne sur les îles et ne se lasse pas du dégradé bleu de la mer. Bien évidemment, on le comprend : l’archipel est une inépuisable orgie de beauté d’une magnificence inégalée. De Roller n’a reçu aucune information à propos d’une potentielle reprise des essais nucléaires, il ne se soucie donc pas des rumeurs qui courent avec insistance et inquiètent les insulaires. Pourtant, un amiral et ses marins traînent anormalement dans les parages. On apercevrait même un sous-marin au large, tel un monstre caché sous l’eau qui dort. Au beau milieu de l’immense Océan Pacifique, l’éden serait-il menacé par des tractations politiques au plus haut niveau ?

Fresque hallucinée du monde contemporain, Pacifiction est un objet mystérieux qui traite de la néo-colonisation et des troubles subis par les populations, dommages collatéraux d’un ordre mondial branlant. La sérénité est envenimée à petit feu par la paranoïa et Albert Serra nous fait errer dans ce paradis qui se perd. Il fait peu à peu fi du réalisme, s'échappe de la dramaturgie pour s'égarer somptueusement dans ce luxe qui s’effondre. Comme une fascinante opale, la photographie d'Artur Tort est précieuse, à la hauteur de ce rêve langoureux. Par sa réalisation organique, Pacifiction nous rappelle superbement que le crépuscule est grandiose.