LIMBO

HITCHCOCK D'OR DU MEILLEUR FILM & PRIX DU PUBLIC • FESTIVAL DU FILM BRITANNIQUE DE DINARD 2021

Si nous découvrons avec ce film le réalisateur Ben Sharrock pour la première fois sur nos écrans, nous pouvons vous assurer que nous avons trouvé un digne héritier d'Aki Kaurismäki, cinéaste si cher à nos cœurs. Comme lui, il sait aborder des situations sociales et politiques toutes en émotions. Comme lui, il sait parfaitement mettre en scène l'absurdité du monde.

Dans la langue de Shakespeare, Limbo signifie les limbes : elles désignent dans la religion catholique un lieu de l'au-delà situé en bordure de l'enfer, et par extension un état intermédiaire et flou. C'est en effet ce que subissent un groupe de demandeurs d'asile sur une petite île de pêcheurs quasiment désertique, au fin fond de l’Écosse. Ils y attendent interminablement de connaître leur sort et s’accrochent à la promesse d’une vie meilleure. Parmi eux, Omar, qui ne se déplace jamais sans son oud – il était musicien dans son pays. Il a fui la Syrie et se retrouve totalement médusé dans ce presque no man's land. Il vit en colocation avec Farhad l'Afghan, Abedi et Wasef. Leurs quelques interactions avec la population locale sont toujours ubuesques et incongrues, un décalage constant s'immisce dans chaque situation. Le temps s'étire, la mélancolie devient tangible : le pire pour nos protagonistes reste l'ennui, malgré les paysages aussi grandioses que désolés. Au rythme du vent, ils errent, se rendent parfois à des ridicules – mais néanmoins hilarantes – séances de formations, traînent à la maison du don ou absorbent des DVD entiers d'épisodes de Friends.

Pour aborder la dure réalité du statut de réfugié – jamais oubliée dans le film – Ben Sharrock réussit avec brio l'exercice difficile de combiner dérision et émotion, absurdité et politique, poésie et gravité. Well done !