Les aventures du Prince Ahmed
Du 15/06/2016 au 15/06/2016
Que voilà une curiosité, une petite merveille venue de loin, le tout premier long-métrage d’animation de l’histoire du cinéma et de plus, mon sang féministe n’a fait qu’un tour, réalisé par une femme ! Inspiré des contes des Mille et une Nuits, ce Prince Ahmed nous emporte dans un univers magique peuplé d’ombres chinoises formidablement élaborées, où le bien lutte avec le mal, où l’amour triomphe de tous les sortilèges, après avoir été mille et une fois mis à l’épreuve par de vieux mages crochus… C’est plein de rebondissements et le plus époustouflant est la fluidité des mouvements, la souplesse des personnages ! On comprend aisément qu’il ait fallu trois ans de travail : chaque silhouette est découpée dans du papier, filmée image par image, soit 300 000 images pour cette heure d’enchantement.
Lotte Reiniger était une charmante jeune femme dans les années 1920, qui évoluait dans les milieux du théâtre et découpait en « ombres chinoises » les acteurs de la troupe de Max Reinardt. Paul Veigener, acteur, réalisateur de l’époque, émerveillé par son talent, lui demanda d’inclure ses dessins dans certains de ses films. Lorsqu’elle épousa un cinéaste, l’idée lui vint de faire des petits films qui connurent un grand succès. Jusqu’à ce qu’un banquier s’entiche de la chose et propose de financer le premier long métrage, que vous pouvez voir ici. Le film tourné en noir et blanc a été teint en trempant le positif dans un bain de couleur et les effets spéciaux sont produits par une superposition d’images sur la pellicule. C’est vous dire le travail de calage, de précision qu’il fallut mettre en place avec les moyens de l’époque et une toute petite équipe.
Louis Jouvet aima tant le film qu’il organisa une projection au théâtre des Champs-Élysées.
L’Allemagne évoluant de façon inquiétante, dès que furent promulguées les lois sur l’art dégénéré, Lotte et son époux s’exilèrent en Angleterre et montèrent en 1936 une société, « Fantasia Productions », réalisant moult petit films, variations sur fond musical, le plus souvent des morceaux de Mozart que Lotte adorait. Walt Disney se lançait alors dans ses premiers dessins animés.
On n’a jamais rien vu de semblable depuis – sinon le Princes et Princesses de Michel Ocelot – et beaucoup de ces films ont été perdus, même si quelques-uns ont pu être sauvés en partie grâce à la cinémathèque de Montréal et au Goethe institut.Vous tenez là donc une occasion rare de découvrir Lotte Reiniger et si les petits devraient adorer, tout amateur de cinéma ne peut qu’être séduit.