LE SALON DE MUSIQUE
Du 25/01/2023 au 07/02/2023
Un lustre illuminé au fond de l’obscurité s’avance doucement vers l’écran sur un son diffus de sitar. C’est la première image du film, inquiétante et mystérieuse, mais aussi la dernière. Entre les deux, Le salon de musique, quatrième long-métrage du réalisateur bengali Satyajit Ray adapté d’un roman de Tarashankar Bandopadhyay, se déroule sans discorder avec le ton donné par cette entrée en matière. Quand l’image resurgit pour clôturer le film, elle demeure mystérieuse mais, chargée de la tension de ce récit étrange et fascinant, elle a acquis un sens.
Le cinéma de Satyajit Ray fonctionne ainsi, oscillant entre des histoires très concrètes, profondément ancrées dans une réalité sociale, culturelle et historique, et l’abstraction des motifs symboliques qui confèrent à ses films une dimension métaphysique et poétique aussi soudaine qu'inattendue. Ceci rend envoûtante et touchante, bien au-delà de la tragédie, la longue et lente déchéance de Huzur Biswambhar Roy, aristocrate zamindar du début du XXe siècle, passionné – c’est le moins qu’on puisse dire – de musique traditionnelle indienne. Son palais, autrefois somptueux, tombe en ruine mais le salon spécialement dédié aux récitals est toujours éclatant et impeccablement entretenu. Roy ne fait pas grand-chose de ses journées. Posé à la terrasse de son palais vétuste, fumant son narguilé et buvant du sirop concocté par son serviteur, il contemple le triste spectacle de sa décrépitude. Seule la musique anime quelque chose en lui. Elle seule peut lui permettre d’agir avec noblesse, comme quelqu’un qui tient ses positions, qui ne cède rien sur ses principes, qui vit par et pour eux, quitte à ce qu’ils le mènent à sa perte. En somme, la seule façon décente de vivre. La seule façon digne de mourir.
(D'après Matthieu Santelli • critikat.com)