L'INCINÉRATEUR DE CADAVRES

« Le seigneur a tout bien arrangé en disant : tu es poussière et tu retourneras à la poussière. Le crématorium, chers amis, est une affaire très pieuse. Il aide à accélérer la transformation de l’homme ». Le ton est donné : Monsieur Kopfringl prend très au sérieux son métier d’incinérateur. Il n’est qu’un simple employé du « Temple de la mort » municipal, mais il aspire, par son travail, à soulager les peines de l’humanité. Nous sommes à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le nazisme s’infuse et divise la société tchécoslovaque. Kopfringl va trouver l’opportunité de développer sa grande œuvre.

Adaptation du livre de Ladislav Fuks, le film met en miroir une plongée individuelle dans la folie et le basculement sociétal dans le nazisme. Le cynisme fou du propos n’empêche pas la justesse de l’analyse : c’est magistral ! Le réalisateur Juraj Herz nous installe dans la tête de son protagoniste, magnifiquement interprété par Rudolf Hrušínský. Impossible d’en échapper, tant celui-ci est séduisant, terrifiant. D’un point de vue formel, le film impressionne par sa virtuosité. Les plans s’enchaînent avec une aisance déconcertante, à croire que tout le film n’est qu’un rêve – cauchemar – éveillé. Alternance de caméras fixes ou subjectives, utilisation de focales grand-angle pour des gros-plans distordus, longues séquences répondant à de brefs montages de photogrammes : tout montre avec quelle audace, quelle liberté et inventivité le réalisateur slovaque a pu travailler en 1968. Avant d’être censuré et de tomber en défaveur…

Cinéphiles du Cosmo, voyez-le d’urgence : L’incinérateur de cadavres est de la trempe des films qui ne s’oublient pas !