L'ATTACHEMENT

Il est des films comme des partitions, finement ouvragées, révélant des mélodies et des harmonies subtiles, capables de se frayer un chemin jusqu'au plus profond de nous-mêmes. Il est des interprètes accomplis qui parviennent, dans la précision des notes écrites, à trouver une forme d'abandon leur permettant de laisser libre cours à des émotions authentiques – ou au contraire, les retenir. Il est des récits complexes et pourtant évidents, qui évoquent des problématiques actuelles sans jamais les appuyer et nous renvoient à nous-mêmes en dévoilant la vie des autres. Il est des cinéastes, enfin, sachant tenir en équilibre sur le fil ténu entre drame et comédie, entre mélancolie et pulsion de vie. L'attachement possède toutes ces qualités.

D'un événement tragique naît une rencontre entre Sandra, quinquagénaire farouchement indépendante, et son voisin de palier Alex, père de deux enfants, soudainement veuf. Elliott, l'aîné, trouve une forme de réconfort auprès de Sandra : sa distance et sa manière de lui parler avec des mots d'adultes semblent l'apaiser. Cette rencontre initiale en entraîne d'autres, développe des ramifications inattendues, recompose des familles. Carine Tardieu orchestre avec délicatesse cette valse des sentiments, ces liens qui se nouent, évoluent, se resserrent ou se défont. Elle parvient à retranscrire les cyclones émotionnels traversés par les personnages et à saisir en quoi l'attachement est d'abord un instinct de survie, avant de se transformer – ou pas – en affection. Elle offre à ses personnages le droit à l'erreur, aux imperfections, aux chemins de traverses... Sa narration chorale, fluide et imprévisible, laisse tout simplement l'humain et la vraie vie prendre toute la place à l'écran : entre sourires et larmes, son film est aussi déchirant qu'attachant.