EO
Du 19/10/2022 au 28/11/2022
PRIX DU JURY • FESTIVAL DE CANNES 2022
Scènes et fragments de la vie d’un âne. Il n’y a pas de hasard de penser à Au hasard Balthazar : pendant l'écriture, le projet s’appelait Balthazar et Jerzy Skolimowski ne cache pas son amour pour le film de Robert Bresson – le seul qui l’ait vraiment ému, selon ses dires. Son âne à lui s’appelle Eo et se trouve ici dans un cirque, là-bas dans une écurie ou quelque part dans la montagne. On suit ses pérégrinations dans un monde régi par des humains qui apparaissent et disparaissent. Du point de vue d’Eo, au-delà de l’oppression et de l’affection, il en découle une certaine incompréhension : la vision d’un mystère flou, aux contours aussi lointains que l’horizon.
Eo nous plonge dans un voyage halluciné : le film regorge d’idées pour nous le faire vivre. Le rythme est irrégulier, marqué par les ellipses et osant même parfois des bribes, des images inexpliquées, sans contexte. Les plans à courte focale se multiplient, des stroboscopes surviennent, des lumières et éclairages crus envahissent l’environnement. Vivier d’effets en tous genres, le film tente beaucoup, se risque à rester brouillon mais ne se rate pas. Avec concision, il nous fait ressentir physiquement la vie et les tourments d’un être inadapté à un monde qui le manie selon ses souhaits. Avec ce projet qu’on imagine lui tenir particulièrement à cœur, Jerzy Skolimowski réussit l’image-monde très puissante d’un gros plan sur l’œil d’un animal. Une vision à la fois émouvante car celui-ci ne joue jamais, et intense car elle rend compte de la grandeur d’un univers à travers un regard, apportant de la profondeur à la mélancolie d’Eo.