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Colombie, Cali. Deux ans après la signature des accords de paix avec la guérilla des Farc, la violence des cinquante années du conflit se lit toujours sur les visages et les corps des victimes survivantes. Margarita, réparatrice extraordinaire connue dans tout le pays, s’emploie à reconstituer les gueules cassées de cette tragédie à la fois rurale et urbaine. Depuis son atelier de prothèses, dans lequel elle travaille de manière artisanale, nous tirons les fils de trois histoires autour de la perte d’un œil. Avec ses mains d’artistes elle apaise les douleurs et redonne à ses patients la possibilité de se réinsérer socialement. Et par ses dons de reconstruction faciale, elle participe à la régénération d’une paix intérieure chez eux. Les cas que nous observons luttent pour reprendre une vie normale après leur traumatisme mais aussi pour incarner une jeunesse colombienne en quête de paix. Margarita est un témoin a posteriori des drames du conflit armé. Elle est une véritable mémoire de ces centaines de récits recueillis dans l’intimité de son cabinet. Son travail entre en quelques sortes en compétition avec « le créateur » et représente un fantasme non seulement de la science mais aussi du cinéma – rappelons-nous Les yeux sans visages de Franju ou encore La piel que habito de Pedro Almodóvar.

Parallèlement, Patricia est restauratrice d’images saintes à Popayan. Pendant que l’une répare des patients en chair et en os, l’autre restaure des statues religieuses en bois ou en plâtre, corps symboliques vénérés par toutes les couches sociales dans un pays extrêmement croyant. Elles travaillent de la même manière sur des sujets différents. Entre blessures intimes et collectives, reconstruction du corps physique et du corps social, le film esquisse le portrait d’une Colombie rêvant d’un visage plus serein.