DRIVE MY CAR

PRIX DU SCÉNARIO & PRIX DU JURY OECUMÉNIQUE • FESTIVAL DE CANNES 2021

Inconnu dans nos contrées il y a à peine trois ans, alors que sortait sur nos écrans son film-fleuve Senses, Ryûsuke Hamaguchi est en train de s'imposer comme un cinéaste aussi prolifique que passionnant. Outre cet enivrant Drive my car, deux autres titres dans lesquels il est impliqué sont annoncés d'ici la fin de l'année : Contes du hasard et autres fantaisies, Ours d'Argent au dernier Festival de Berlin et Les amants sacrifiés, réalisé par Kyoshi Kurosawa et co-scénarisé par Hamaguchi, Lion d'Argent au Festival de Venise.

Chaque film en son temps : celui qui nous occupe aujourd'hui est inspiré d'une nouvelle du grand Haruki Murakami et lauréat du Prix du scénario au dernier Festival de Cannes. Un prix amplement mérité tant l'écriture d'Hamaguchi s'y déploie avec une virtuosité impressionnante. Drive my car chemine avec aisance sur des routes sinueuses : sans à-coups, l'intrigue ne cesse de bifurquer et de s'enrichir de ramifications nouvelles qui s'imbriquent au récit avec fluidité. Si son cinéma s'intéresse toujours à la complexité des sentiments et mobilise le pouvoir de la parole, Drive my car lui donne une intensité et une ampleur nouvelles. Il offre notamment une multitude de « voix » qui se mêlent, résonnent et se répondent : conversations intimes, enregistrements, langage des signes, lectures, répétitions... Avec une liberté totale – en témoigne le magnifique prologue dont la durée s'étend sur presque un tiers du film – Hamaguchi construit une œuvre d'une richesse admirable.

Il est d'ailleurs fort difficile de résumer une narration aussi foisonnante. Aussi, nous nous limiterons à ceci : vous y croiserez notamment une scénariste qui imagine ses histoires dans l'état extatique suivant ses orgasmes, un metteur en scène habité par la passion des mots mais aussi par ses fantômes, une chauffeur mutique qui s'ouvrira peu à peu, une troupe de théâtre disparate répétant Oncle Vania de Tchekhov... Autour de ces personnages, Drive my car déroule de multiples variations des relations humaines, nimbées de mystère et d'une pointe de perversité. Installez-vous donc sur votre siège et laissez-vous porter : avec un conducteur du talent d'Hamaguchi, le voyage – sur des routes pourtant tortueuses – est grandiose !