CIGARE AU MIEL
Du 06/10/2021 au 26/10/2021
« Je ne suis pas unique, je suis double ». Ainsi s'exprime la fière Selma – puissamment incarnée par Zoé Adjani, la nièce d’Isabelle – pendant un entretien d’admission dans une prestigieuse école parisienne. Cette jeune fille française d’origine algérienne, partagée entre modernité et tradition, est l'âme du premier long-métrage de la réalisatrice Kamir Aïnouz – sœur du cinéaste Karim Aïnouz, dont nous avions tant aimé La vie invisible d'Eurídice Gusmão. Les parents de Selma appartiennent à l'érudite bourgeoisie berbère immigrée en France. Ils lui inculquent l'importance de l'éducation mais tentent – de manière plus ou moins voilée – de lui présenter de « bons partis » en vue d'un futur mariage. À l’école, Selma montre une autre facette d'elle-même : celle d'une jeune fille désinhibée, en phase avec son temps, toujours prête à répondre aux provocations. Sa rencontre avec l'attirant Julien va agir comme un détonateur : le désir a finalement un visage et un nom. Selma transforme alors son propre corps en champ de bataille pour la liberté.
Kamir Aïnouz dresse de manière habile le tableau des différents mondes de Selma, alternant les conversations politiques à table aux soirées « interdites » avec Julien, les projets de carrière dans la finance et l'amère soumission à celui qui pourrait l'aider à réaliser ses projets. Elle révèle également les limites invisibles tapies derrière une éducation qui se veut libérale. Cigare au miel est ainsi un récit de formation intense : la parabole d’une jeune femme qui découvre son désir dévoile une trame dense de toutes les contradictions liées à la culture patriarcale, sur fond de conflit en Algérie au début des années 1990.
(D'après Vittoria Scarpa • cineuropa.org)