ADIEU MANDALAY
Du 24/05/2017 au 13/06/2017
Une jeune femme, assise sur une chambre à air, traverse un cours d’eau : elle paie le passeur. Elle monte sur une moto : d’autres billets pour le conducteur. Elle grimpe dans un camion : encore une liasse au chauffeur. En trois transactions et deux plans, un impitoyable territoire commercial se dessine par-dessus la jolie nature environnante. Chaque mouvement a un coût parce que la jeune voyageuse est une migrante, quittant clandestinement sa Birmanie natale pour tenter de trouver une vie meilleure en Thaïlande avant d’espérer rejoindre Taïwan : vouloir s’arracher à la misère coûte paradoxalement une fortune.
Cette jeune femme s’appelle Lian-qing et rappelle l’héroïne de Deux jours, une nuit, toujours à négocier les arrangements susceptibles de lui permettre de travailler enfin, plutôt que de continuer à être exploitée du fait de sa clandestinité. Et comme chez les Dardenne, la dimension mélodramatique enfle derrière l’arpentage du terrain social. Parce que Lian-qing se rapproche d’un autre clandestin, Guo, qui travaille pour la même usine de tissage, un lieu dont ils ne sont pas censés sortir, où ils dorment et mangent, où ils portent un numéro (et où un frisson de tendresse peut traverser la moiteur, quand Guo enlève délicatement des bouts d’étoffe de la nuque et des épaules de Lian-qing). Et parce que l’histoire racontée par Midi Z devient celle d’une incompatibilité entre sentiments et ambition qui pourrait se dérouler dans n’importe quel milieu mais est rendue plus douloureuse par la condition des personnages : un beau film qui invite Émile Zola sur les terres d’Apichatpong Weerasethakul.
(d’après Christophe Beney • accreds.fr)